Les parents de Trayvon Martin, le lycéen noir tué en février à Sanford (Floride) par George Zimmermann, un vigile autoproclamé, ont protesté, vendredi 19 octobre, contre la décision de la magistrate chargée du dossier, d’autoriser l’avocat du meurtrier à fouiller dans la vie de leur fils. Le dossier scolaire de l’adolescent mais aussi le contenu de ses comptes Facebook et Twitter pourront être communiqués à la défense, a décidé la juge Debra S. Nelson.
“Il est injuste de faire passer un enfant mort pour l’auteur du crime, a déclaré Tracy Martin, le père de la victime. “Cela revient à accuser la victime d’un viol de l’avoir provoqué par son habillement », a renchéri Ben Crump, l’avocat de la famille. Les défenseurs de Trayvon Martin, mort à 17 ans, rappellent qu’il n’était pas armé. Son meurtrier, âgé de 29 ans, affirme qu’il a riposté après avoir été attaqué. Il avait fallu 45 jours de mobilisation et de protestations pour que George Zimmerman soit poursuivi pour « meurtre ».
La juge a estimé que dans ce genre de dossier, il était pertinent de se demander si la
George Zimmerman
victime « avait un penchant reconnu pour la violence ». Les intentions de Mark O’Mara, l’avocat de George Zimmerman, elles, sont claires : « La question est de savoir qui a fait quoi au cours des quelques minutes » ayant précédé le meurtre « La victime était-elle l’agresseur ? », a-t-il interrogé à l’issue de l’audience de vendredi.
Selon l’avocat, le lycéen avait posté sur les réseaux sociaux des vidéos et des photos montrant son intérêt pour les « mixed martial arts » (MMA ou « combats complets » en français). Or un témoin affirme avoir vu une rixe précédant le meurtre au cours de laquelle le garçon aurait enfourché George Zimmerman « à la façon MMA ». Quand au dossier scolaire, on sait qu’il indique que Trayvon Martin avait été renvoyé de son lycée de Miami pour dix jours après qu’on eût détecté des traces de marihuana sur son sac.
La juge a précisé que ni le dossier scolaire ni le contenu des comptes Facebook et Twitter ne devait être communiqué à la presse. Et que le jury n’en aurait connaissance que si la défense la convainquait de son intérêt pour le jugement. Une date – le 10 juin 2013 – a d’ailleurs été fixée pour le début du procès.
La défense a aussi été autorisée à accéder au contenu des comptes sociaux de l’amie de Trayvon Martin qui a déclaré qu’elle lui avait parlé au téléphone juste avant le meurtre. L’avocat de Zimmerman a suggéré que cette jeune fille avait menti en affirmant que, ravagée de douleur, elle n’avait pu retourner au lycée et assister aux funérailles.
Reste à savoir si Facebook et Twitter accepteront de communiquer à Me O’Mara le contenu des comptes, décision qui pourrait se révéler lourd de conséquences pour leur image.
La petite ville de Sanford, dont le passé de discrimination raciale a été douloureusement réactivé par l’affaire, reste divisée sur la nécessité d’entretenir la mémoire du drame. Le sort du petit mémorial improvisé sur un trottoir à proximité du lieu du crime, constitué des multiples objets et messages déposés par les passants, symbolise ces hésitations.
Conservé pieusement depuis des mois, il vient d’être retiré par la municipalité, soucieuse de faire cesser l’association du nom de la ville de Sanford avec le meurtre et le scandale national qu’avait provoqué l’absence de poursuite. Pour l’heure, les fleurs artificielles, les crucifix, les anges en porcelaine et les messages d’affliction et de colère, ont été remisés dans une cave du petit musée d’histoire locale dont la communauté noire a obtenu l’aménagement en 2011 dans un préfabriqué, au cœur du quartier « afro-américain ».
SOURCE : http://philippebernard.blog.lemonde.fr/2012/10/21/facebook-temoin-posthume-contre-trayvon-martin/